Au feu les pompiers !

Ce 6 août 2013 la Cour du travail de Bruxelles a rendu un arrêt historique concernant les pompiers dits « volontaires ». La Cour a dit que ces agents étaient des agents de service public et qu’ils méritaient la protection de la loi, une loi (celle du 16 12 2000) qui dit qu’est au travail un agent qui est disponible pour sa hiérarchie. Et, par voie de conséquence, la Cour dit qu’est au travail un pompier qui attend l’appel feu, même à domicile.

Ne les appelez plus volontaires ! Ce qualificatif est une imposture qui ouvre la porte à tous les abus et les arbitraires. Ces agents sont des professionnels, ils ont la même formation, les mêmes compétences, les mêmes grades, les mêmes revenus. A mes yeux ce sont des contractuels du service public – même si les juges tendent à penser encore autrement.

Lorsqu’un camion part, il contient indistinctement « professionnels » et « volontaires » dans des proportions indifférentes. N’oublions pas qu’en Belgique il y a 5000 professionnels pour 12 500 « volontaires », cela donne une idée de la composition des brigades. Rien à voir avec les volontaires de la Croix-Rouge avec lesquels ils sont si souvent confondus, ce sont des vrais professionnels capables d’affronter toutes les situations d’urgence .

Ceci étant, les pompiers auront ainsi mis le feu à un aspect très problématique de notre droit social : le régime du stand-by. Un travailleur qui est obligé de répondre à un appel urgent et d’effectuer sans pouvoir postposer sa fourniture de travail est-il au travail et doit il être payé ? Pour moi la réponse est clairement oui : il n’y a pas de régime de liberté conditionnelle en droit du travail. Le travailleur est libre ou pas, comme un taxi. Le droit du temps de travail est très sensible, très. Il est le seul rempart des libertés individuelles : le droit au temps libre, le droit d’aimer et de rester près de ses proches, le droit d’être parent, le droit d’avoir un second emploi, le droit de boire un coup, …

Si on devait, comme certains le soutiennent, considérer qu’un travailleur désoeuvré est un travailleur impayé le risque économique bascule complètement dans le monde du salariat. Le salarié ne serait plus payé que si on s’en sert. Imaginez un peu ….

Ce débat est colossal, vital, idéologique. Je vous invite à lire l’arrêt du 6 août 2013 et le texte de l’intervention que j’ai faite en octobre 2011 lors d’un colloque sur le temps de travail (« L’effort humain, ce n’est pas un jeune homme souriant » in La loi sur le travail, Anthémis,2011, p.543 et s.)

Annexe 1 : arrêt Simon/Nivelles, version allégée et anonymisée

Annexe 2 : l’effort humain (bruno/textes/l’effort humain)

Photo par DVIDSHUB sous créative common – Flickr

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Me Bruno-Henri Vincent
Spécialiste en droit du travail - Litis S

Me Bruno-Henri VINCENT a obtenu sa licence en droit en 1985. Il a aussitôt débuté sa carrière comme conseiller juridique en droit social pour les entreprises d’une grande association interprofessionnelle d’employeurs et ensuite d’un secrétariat social agréé. Ceci lui a permis de maîtriser d’emblée les subtilités et technicités du monde du travail en Belgique.
Après cet écolage, dès 1991, il a choisi de mettre ses compétences au service des clients de son cabinet d’avocat. Le Barreau de Bruxelles lui a reconnu en 2003 le titre d’avocat spécialiste en droit du travail.
En 2006, Me Bruno-Henri VINCENT fonda LITIS S, une association d’avocats profilée pour se développer exclusivement à travers le droit du travail et apporter sa meilleure expertise pour résoudre les litiges de la vie professionnelle.
Me Bruno-Henri VINCENT est aussi médiateur agréé en matière sociale. Il est membre fondateur de l’Asbl Médiation et conciliation sociale regroupant magistrats, avocats et DRH qui s’investissent dans l’art de la médiation sociale (www.mcsociale.be). Il pratique régulièrement, avec le plein accord de ses clients, le recours aux modes non judiciaires de résolution des conflits.
Il contribue à des ouvrages juridiques et publie régulièrement dans la presse. Il est sollicité comme conférencier dans ses matières de prédilection. Il a aussi enseigné durant plus de 20 ans le cours de législation sociale pour responsables du personnel au sein de l’Institut d’Administration des Entreprises.
Me Bruno-Henri Vincent est inscrit au Barreau de Bruxelles