GREVE TOTALE ! Peut-on racheter le droit de grève ?
C’est la question qui s’est posée le mercredi 13 février 2019, jour de grève générale. La raffinerie pétrolière Total de Feluy était menacée. Inutile de se questionner sur la qualité de site Seveso et les mesures de protection que ceci impose, l’entreprise voulait assurer la continuité de l’activité malgré la grève. Une grève intersectorielle qui ne la concernait que très indirectement puisqu’elle avait pour objet de faire pression sur le gouvernement en vue d’obtenir des marges de progression salariale plus importantes que celles que le Conseil Central de l’Economie chiffrait.
Pour cela la Compagnie offre une prime conséquente à qui ne fera pas grève, une prime vraiment conséquente puisque l’on parle d’un montant de 1500 € au moins pour assurer le travail le seul jour de la grève nationale.
On peut mettre ce montant en comparaison avec l’enjeu du conflit social fédéral : obtenir une marge de négociation augmentée de 1% (0.8% à 1.8%). Or 1 500 euros c’est 1% d’un salaire annuel de 150 000 euros. Présumant que le salaire moyen annuel des travailleurs concernés doit avoisiner les 35 000 €, 1500 à 1800 euros de prime extra-légale c’est 1% de progression durant 5 ans !
Mission accomplie pour les syndicats ? Certainement pas ! A leurs yeux, Total n’a pas respecté le droit de grève en faisant usage d’un moyen pour faire obstacle à celui-ci : acheter les travailleurs.
Ceci fait débat. Quelques réflexions à ce sujet :
- La grève est un acte de guerre sociale. C’est l’acte ultime par lequel les travailleurs unis décident d’infliger un préjudice économique maximal à l’employeur en arrêtant la production dans le but de faire valoir leurs intérêts. C’est un acte agressif par nature, il expose l’entreprise, la met souvent en faute contractuelle à l’égard des clients et fournisseurs, et dans tous les cas porte atteinte à ses intérêts.
- Si le principe du droit de grève est acquis, le déroulement de la grève n’est pas réglementé.
- Une grève politique est une grève dirigée contre un fait externe à l’entreprise de l’employeur, ceci le place en position particulièrement inconfortable puisqu’il n’a pas la maîtrise de l’environnement politique. Il ne peut négocier les termes du conflit, il est justifié qu’il tente de ne pas devenir un dommage collatéral.
- Si les employeurs doivent respecter le droit de grève, il n’est écrit nulle part qu’ils doivent rester passifs et ne pas tenter de protéger leurs intérêts. Toute réaction en ce sens, non disciplinaire et proportionnée, me semble a priori légitime. Le dialogue social est quelque chose de vivant, une action entraîne une réaction.
- Le but d’une grève est d’obtenir une amélioration du traitement actuel ou à venir des travailleurs. La réponse attendue de l’employeur est qu’il octroie quelque chose. Si un résultat jugé suffisant est obtenu sur la seule annonce de grève, la grève a perdu son objet.
- Proposer aux travailleurs une option à la grève n’est pas interdire la grève.
- C’est dans cet esprit que l’interview a été donnée à RTL-TVI, il est intéressant de rencontrer l’autre opinion partagée par un confrère sur la RTBF. C’est un sujet très clivant mais passionnant.
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