Petits meurtres entre amis
Hervé se présente : directeur de filiale, belle ancienneté, résultats impeccables. Il est néanmoins mis en difficultés et craint pour son emploi pour s’être fait allumer au conseil d’administration suite à un rapport assassin le concernant. Un rapport qui lui fait porter à peu près tous les péchés d’Israël concernant le people management.
Hervé serait-il un pervers narcissique ?
Cela se pourrait bien sûr, mais cela pourrait être totalement faux aussi. Hervé en tout cas ne comprend pas, il ne se dit pas parfait mais il me donne nombre d’arguments précis qui laissent penser que le rapport assassin n’a respecté aucune méthodologie un tant soit peu sérieuse. L’attaque semble servir des intérêts précis et tous les biais cognitifs y sont présents, ce qui est toujours le cas lorsqu’une analyse est entamée en vue de démontrer ce dont l’examinateur est déjà convaincu au départ.
Mais le conseil d’administration ignore tout cela et ne s’est sans doute jamais posé de question de validité méthodologique de sa vie. Le crime semble parfait. Ceci questionne le lien de responsabilité des salariés entre eux.
La rumeur court que l’employeur est seul responsable en tout à l’égard de chacun de ses travailleurs. Le seul risque encouru par un collègue commettant un geste préjudiciable envers un autre serait la sanction disciplinaire.
Fake news !
Les collègues de travail sont des tiers l’un à l’égard de l’autre, à l’instar de voisins. Il est admis que le salarié est responsable des conséquences de ses faits volontaires, de ses négligences graves ou de ses fautes bénignes mais répétées. Or faire courir une rumeur infamante, accuser faussement, piéger et toutes ces tactiques de couloir totalement vicieuses utilisées pour détruire une réputation ou un crédit sont des actes prémédités qui mettent en jeu la responsabilité personnelle de celui qui les commet. Et le préjudice peut être conséquent : a-t-on déjà chiffré le manque à gagner pour avoir perdu une promotion suite à des mensonges ou médisances diffamatoires ?
Si ces actes fautifs peuvent être qualifiés de harcèlement ou de faits de violence physique ou psychique, la victime peut diriger son procès contre l’auteur plutôt que l’employeur, et exiger les mêmes réparations forfaitaires avec les mêmes mécanismes allégés de preuve.
Ceci signifie que la victime d’un coup de couteau dans le dos est en réalité en droit de se retourner directement contre son persécuteur, sans faire procès à l’employeur. Cela comporte des avantages certains : ne pas ouvrir un conflit avec l’employeur nourricier qui souvent ignore tout de ce qui s’est tramé dans l’ombre et surtout pouvoir interpeller le véritable responsable en combat singulier. L’employeur sera alors vraisemblablement le témoin crucial. On peut même imaginer que – réalisant ce qui s’est ourdi – l’employeur se retourne lui aussi contre le sournois de service.
De manière générale, on ne peut que regretter que les employeurs impliqués dans des procès de harcèlement ou violence n’appellent pas plus souvent en garantie l’auteur réel et adoptent ensuite une position plus en retrait. Pourquoi des employeurs contestent-ils tout harcèlement lorsqu’ils ignorent ce qui s’est réellement passé dans leur dos ? Pourquoi faire alliance objective avec l’auteur désigné plutôt qu’avec la victime prétendue ? Une position neutre facilitant l’accès à l’information avec recours en garantie contre l’auteur éventuel ne serait-elle pas plus digne et conforme à la loi qui souhaite que toute la transparence soit faite ?
Novembre 2018
photo: shutterstock|La Vieja Sirena