
Statut unique, statut inique ?
Eté 2013. On attend le statut unique employé/ouvrier. Ou sans doute une espèce de demi-monstre né des unions maudites entre des syndicats réactionnaires et un patronat stérile.
Je ne pense pas qu’il fallait le consensus à tout prix, surtout pas entre des partenaires qui allaient à la table contraints et forcés. Il fallait une politique éclairée pour indiquer la sortie par le haut. Calculer les préavis en semaines et créer de nouveaux tiroirs à discrimination (date de l’engagement, statut originaire, etc.) n’est pas une idée digne. C’est une mauvaise soupe d’anciennes conceptions et de résistances au changement.
La durée des préavis, mais quel mauvais débat ! Qui veut un long préavis, personne ! L’employeur, non évidemment, et le travailleur ? Mais il tire la gueule du premier au dernier jour de son préavis. Il vit le préavis, assez légitimement, comme une humiliation. C’est une injonction paradoxale « je ne te veux plus mais j’ai besoin de toi » et un bannissement qui s’éternise « les collègues peuvent rester, moi je dois bientôt quitter ». Le préavis c’est le goudron et les plumes.
Et puis quel sens cela a-t-il ? Soit le licenciement est justement fondé par des raisons économiques, ou un comportement réellement problématique et alors prolonger un ersatz de collaboration est stupide et dévastateur. Soit le licenciement n’est pas justement fondé, et alors il ne devrait pas être.
Ce qui importe c’est qu’il n’y ait plus que des licenciements justes, pas des licenciements longs. Ou alors qu’il y ait telle compensation financière que l’on part (presque) dans la joie et la bonne humeur.
Et puis le changement, même d’emploi, n’est pas un problème en soi. Ce qui pose problème c’est la chute de revenus qui peut blesser toute la cellule familiale.
J’aime l’idée française : court préavis, si court qu’il n’est jamais presté, doublé d’une obligation de motivation redoutable avec des indemnités morales laissées à l’appréciation des Preud’hommes et un chômage qui assure une réelle stabilité de revenus au chômeur – durant un temps ! Concrètement cela laisse quelques 24 mois pour se retourner et une prime, importante, si le licenciement était injuste.
J’aime aussi, vraiment, l’idée brésilienne du Fonds Général pour le Travail Salarié. Tous les mois l’employeur cotise 8% du salaire mensuel dans un fonds de sécurité sociale qui capitalise, comme une sicav, les droits individuels de chacun. A la fin de l’occupation, quel que soit le motif, le travailleur part avec sa cagnotte. S’il a un nouvel employeur, la cagnotte s’agrandira encore. S’il n’a pas de nouvel emploi, il peut l’utiliser. 8% par mois c’est un mois par année d’ancienneté – comme un pécule simple de vacances. En échange, le délai de préavis de licenciement est presque de pure forme. C’est tellement simple et sécurisant que les tensions de la perte d’emploi se dissolvent et les débats sur les responsabilités ne sont plus que marginaux. En outre cela redonne le droit de démissionner, un droit subversif et fécond.
Photo de Cellule Communication sous créative common – Flickr