
Uberland über Alles ?
C’est dans le tram BX1 que la conversation s’est nouée : Uber, légal ou illégal ?
Peu ou prou, la question se pose pour toute l’économie collaborative. Il n’y a pas beaucoup d’activités proposées en plateforme collaborative qui ne soient pas protégées d’une manière ou d’une l’autre par le droit économique : commerce alimentaire, nettoyage, transport de choses ou de personnes, hôtellerie,…. Alors Uber mérite-t-elle la guerre que lui fait Joe le taxi ?
Récemment, un bâtonnier (pas le mien …) me demandait avec la moue réprobatrice de celui qui devinait déjà ma réponse « Maître Vincent, défendez-vous l’uberisation dont celle de notre profession ? » Et je lui ai répondu que tout ce que je peux dire c’est que je n’ai pas vu un Bruxellois descendre dans la rue pour défendre ses taxis, et qu’on peut se questionner également sur ce qui nous arriverait à nous les avocats. Un silence s’installa.
On méditera ici la parole du Sage « Nul n’ignore ce qui arrive à celui qui pisse contre le vent »
Nous avons besoin d’une économie mixte et régulée, c’est la seule qui assure le bien-être collectif et qui étende le champ de conscience, souvent plus qu’étroit, des acteurs économiques. Et d’un autre côté ces mêmes acteurs économiques usent de ces règles pour se construire des forteresses. Lobbying aidant, ils contrôlent le mécanisme de régulation qui les concerne. C’est la définition du cartel. Et Uber c’est le drone.
Si dans l’immédiat après-guerre un salarié faisait ses 45 ans de carrière avec 3 employeurs, aujourd’hui il le fait avec 10. Peut-on encore faire du CDI la mesure de toute chose ?
Et si avoir plusieurs employeurs était mieux qu’un seul ? Et si la sécurité individuelle était dans le nombre des contacts ? Et si la stabilité était dans le mouvement ? Et si le SPF Sécurité sociale devenait le SPF Citoyenneté et Sécurité d’existence ? Et si Uberland préfigurait un modèle économique d’activités décentralisées et autonomes ?
Pas simple tout cela. Il ne faut pas jouer avec le feu non plus. La sécurité sociale, la belge en tout cas, est une fabuleuse machine. On ne sait pas si elle résistera à la décadence économique de l’Occident ni à l’accroissement de l’espérance de vie (euh, en mauvaise santé souvent, malheureusement pour tout le monde) mais on ne voudrait pas être celui ou celle qui involontairement y aurait mis le feu. D’un autre côté mettre le feu à des ruines ne change rien au cours du destin.
Pour le moment l’économie collaborative est une piste concrète pour qui veut augmenter son pouvoir d’achat dans des conditions de confort réglementaire et fiscal absolument idéales. Si en plus cette économie parallèle vient titiller les acteurs installés ou susciter la création de start-up, on ne voit pas pourquoi s’en priver (pour plus d’informations sur le travail via les plateformes d’économie collaborative, lire « Le travail collaboratif, une nouvelle manière d’exercer une activité complémentaire » par Me Arnaud Vangansbeek et Bruno-Henri Vincent
https://litis-s.be/le-travail-collaboratif-une-nouvelle-maniere-dexercer-une-activite-complementaire
C’est fou ce à quoi on peut penser dans un tram. Allez, bon parcours à toutes et tous.
Mai 2019