Les pensions de retraite de demain : assurance-vieillesse ou pécule de vacances-senior ?

Le 18 décembre 2014 se réunissait la Chaire interdisciplinaire des Pensions instituée au sein de l’UCL. Le récent rapport de la Commission pour la Réforme des Pensions, porté par l’ex-ministre des pensions Frank Vandenbroucke (invité d’honneur aux côtés de l’économiste Etienne De Callatay et d’académiques) a pour ambition d’être la matrice d’une nouvelle loi durable. Outre la question de la durée minimale de carrière (42 ans) qui nécessite, pour ne pas rester un vœu pieu, un report de l’âge d’accès automatique à la pension de retraite (67 au lieu de 65 ans), ce qui frappe le plus est l’incertitude liée au régime du « point ».

En résumé, chaque année vaudrait « un point » mais, à la différence du régime actuel, la valeur du point ne serait connue qu’en prise de retraite. Pourquoi ? Parce que la valeur du point sera (notamment) affectée d’un coefficient prenant en considération l’espérance de vie. Sachant qu’un juge a 17 années d’espérance de vie en plus qu’un égoutier, il y aurait une marge de manœuvre. A la fois en équité sociale mais aussi en viabilité financière car si l’espérance de vie augmente sensiblement pour tous les futurs retraités, il va bien falloir réduire les rentes, sauf à demander aux jeunes de se saigner sans espoir.

Au risque bien sûr que la pension devienne la variable d’une sécurité sociale à enveloppe fermée.

Ou va-t-on ? L’arrêté royal n°50 portant le régime des pensions des salariés date de 1967 et fixe l’âge d’accès à 65 ans. En 1967 l’espérance de vie était des hommes était de 68 ans. L’Etat prenait un engagement de 3 ans. Il est de plus de 15 ans actuellement. Et encore, à supposer une retraite débutant à 65 ans (on sait ce qu’il faut en penser). Et si les prédictions de certains médecins généticiens se vérifient, les prochaines 50 années vont faire exploser les plafonds de la survie (et toute la sécurité sociale actuelle au passage).

Dans la conception originaire de l’assurance sociale, la vieillesse est un risque (que ceux qui meurent jeunes auront le plaisir de ne pas connaître…) et s’assimile à une incapacité générale de travail. Qu’en reste-t-il ? Il est tout de même curieux d’observer la mobilisation des rues réclamant le droit d’être vieux jeune (si vous suivez…). Peut-on offrir à chacun 20 voire 30 années de retraite dont 10 voire 20 de vacances-senior ? Existe-t-il un seul système qui ait pu supporter ce coût, surtout avec une pyramide des âges évasée? Ne faut-il pas revenir au pacte fondamental des générations : les jeunes financent le risque-vieillesse, par répartition ou contribution peu importe ? Faut-il, comme le pensent certains, créer en plus de la retraite formule « vacances senior » une assurance-dépendance collective qui financerait le placement en institution ou les soins permanents à domicile ? Ou faut-il limiter l’assurance-retraite à l’assurance-dépendance et dans ce cas servir une rente réellement adaptée aux coûts élevés, ce qu’une pension de retraite ne permet pas ?

Ces questions exigent une réponse légale, un modèle financier et un débat à l’abri du lobbying des seniors d’aujourd’hui.

A la réflexion, le point et son coefficient d’espérance de vie n’est pas si stupide. Du tout. Plus tard l’individu prendrait sa retraite, plus le montant de l’allocation serait élevé. Mais alors que les partenaires sociaux assument clairement leurs responsabilités pour ouvrir un marché de l’emploi senior car il va falloir ramer un coup à gauche (privilèges sociaux pour les aînés au travail) un coup à droite (dégressivité des barèmes) et un coup dans le budget (immunisation fiscale du salaire senior).

Share this post

You may also like

Me Bruno-Henri Vincent
Spécialiste en droit du travail - Litis S

Me Bruno-Henri VINCENT a obtenu sa licence en droit en 1985. Il a aussitôt débuté sa carrière comme conseiller juridique en droit social pour les entreprises d’une grande association interprofessionnelle d’employeurs et ensuite d’un secrétariat social agréé. Ceci lui a permis de maîtriser d’emblée les subtilités et technicités du monde du travail en Belgique.
Après cet écolage, dès 1991, il a choisi de mettre ses compétences au service des clients de son cabinet d’avocat. Le Barreau de Bruxelles lui a reconnu en 2003 le titre d’avocat spécialiste en droit du travail.
En 2006, Me Bruno-Henri VINCENT fonda LITIS S, une association d’avocats profilée pour se développer exclusivement à travers le droit du travail et apporter sa meilleure expertise pour résoudre les litiges de la vie professionnelle.
Me Bruno-Henri VINCENT est aussi médiateur agréé en matière sociale. Il est membre fondateur de l’Asbl Médiation et conciliation sociale regroupant magistrats, avocats et DRH qui s’investissent dans l’art de la médiation sociale (www.mcsociale.be). Il pratique régulièrement, avec le plein accord de ses clients, le recours aux modes non judiciaires de résolution des conflits.
Il contribue à des ouvrages juridiques et publie régulièrement dans la presse. Il est sollicité comme conférencier dans ses matières de prédilection. Il a aussi enseigné durant plus de 20 ans le cours de législation sociale pour responsables du personnel au sein de l’Institut d’Administration des Entreprises.
Me Bruno-Henri Vincent est inscrit au Barreau de Bruxelles